dimanche 19 juillet 2009

mardi 14 juillet 2009

Lectures du moment


En somme, les gens meurent comme les chats et aiment comme on aimerait une voiture. A croire que l'écrasement, ça les connaît.

samedi 11 juillet 2009

Osmane

Osmane travaille quatorze heures par jour : Osmane est turc. Osmane a une trentaine d'années, trois enfants et une moustache. Osmane en a sa claque de travailler dans le Döner Kebap. Osmane aimerait changer de vie. A la limite, Osmane aurait aimé cesser d'être turc.

Il est curieux et avide de savoir. Aussitôt qu'il a le temps, il se jette sur les quotidiens, les magasines et les livres, les dévore telle une rapace. Jamais, il ne rate un reportage ou un documentaire. Que ceux-ci parlent de politique, de société ou de koalas, cela lui est complètement égal : il prend tout. Osmane veut rattraper le temps perdu. Et franchement, tout compte fait, Osmane n'est pas mal du tout cultivé pour un Turc qui, toute la journée, baigne dans le "salade-tomate-oignons-sauce blanche-piment-harissa-poulet-boeuf-ketchup-mayonnaise-sauce rouge-tartare."

J'ai connu Osmane à force de me rendre dans son snack, comme ça, tout bêtement. A l'époque, j'étais déprimé et mangeais le Döner à raison de quatre à cinq fois par semaine, surtout la nuit avant de me coucher. Croquer dans le Döner, me procurait un plaisir intense qui, l'espace de quelques instants, m'aidait à oublier mon malheur. J'aimais ça, la viande dégueulasse, la sauce qui dégouline et le piment qui arrache. Ça comblait mon estomac et emplissait mon être.C'était clair : en un rien de temps le Döner était carrément devenu ma drogue et Osmane mon fournisseur. Il y eut même des nuits où je souffrais véritablement du manque de Döner, que j'apaisais en me masturbant devant un pornochic de Dorcel.

Aujourd'hui, je me rappelle que vers le début de notre relation, Osmane et moi n'étions pas très loquaces. Même si, incontestablement, il y eut entre nous un coup de foudre amical, nos discussions du début n'avaient rien de fantaisiste :
– Alors, chef...Poulet? Boeuf?
– Boeuf, s'il te plaît...
– Je te mets tout avec?
– Tout sauf oignons...
– Sauce?
– Blanche.
– Piment?
– S'il te plaît.
– Tiens, bon app’.
– Merci, chef.

Je saisissais nerveusement le Döner et mordais dedans avec la hargne d'un drogué en manque. En cinq minutes top chronos, il n'en restait que la ridicule petite fourchette en plastique. Ensuite, je restais là encore deux minutes sur ma table à se curer les dents et à savourer les dernières lampées de mon Coca ( ou Fanta, ça dépendait ) avant de me lever pour payer.
– Je te dois combien, chef?–
Un doner...3euros 50...plus une boisson...1 euro 50...ça nous fait 5 euros, s'il te plaît.
– J'ai un peu de monnaie, si tu veux...
– Super, ça m'arrange...
– ...4,70...4,90...et 10 centimes...5...voilà, chef...merci...bonne soirée à toi.
– Ouais...de même.
– Salut.
– Salut.

En deux semaines, j'avais pris quatre kilos et ma dépression s'était aggravée suite à une alimentation justement pas très équilibrée. D'ailleurs notre première vraie discussion porta sur la question de si le Döner est, oui ou non, un repas équilibré.
– Je te l'jure, m’assura Osmane, moi j'en mange chaque jour, midi et soir, et franchement regarde...De sa main, il me désigna fièrement son ventre- qui était loin d'être plat. Puis il continua :
– C'est sain, le Döner; là dedans, t'as de la viande, du pain, des crudités...C'est complet comme repas.
– Tu penses?
– Je te le jure!

C'est alors après cette discussion sur l'alimentation qu’Osmane et moi eûmes encore d'autres sujets de conversation qui tenaient largement la route. Il nous arrivait même de parler de choses profondes comme les bienfaits de l'empire ottoman et la stupidité des religions. Et petit à petit, on était devenus de très bons amis, même si cela ne dépassa jamais le cadre du snack. Lui, ça lui suffisait- il était enfin content qu'il y eût une âme sensible qui l'écoutât- et moi, je me dois de l’avouer, il m'était difficile, très difficile même, de me figurer en train de boire un verre, regarder un film ou disputer une partie de billard avec Osmane. Osmane était mon « ami de Döner », comme d'autres ont leurs amis de travail, point.
" Y a des clients qui me tapent sur les nerfs, je te l'jure. Mais avec toi c'est pas pareil...", souvent me disait-il avec un sourire débordant de gentillesse sincère.

Osmane parlait beaucoup. Il aimait s'exprimer. Normal, vu qu'il en avait rarement l'occasion. D'ailleurs, ça me convenait parfaitement bien que, malheureusement, très souvent, je décrochais- c'était ou bien parce que j'étais trop fatigué, ou bien parce que mon estomac grouillait ou bien parce que, tout simplement, ce qu'il était en train de me raconter me rasait sec. Ceci ne m'empêchait pas de trouver Osmane réellement intéressant et surtout bien différent des autres Turcs qui travaillaient dans le Döner Kebap. Osmane était unique. Vraiment.

Or, au cours de notre amitié, il s'était avéré que Osmane avait un défaut, un seul, peut-être le pire.De toutes les fois que je m'étais rendu dans son snack, jamais au grand jamais, Osmane ne m'avait offert quoi que ce soit. Une fois, je m'étais amusé à faire les calculs pour voir combien de mon argent était passé dans la caisse d’Osmane. Résultat : en trois mois, j'avais claqué quelques 255 euros, Döner (3,50 euros) et boisson comprise( 1,50 euro )- et n'en parlons pas du temps! Eh bien, sur les 255 euros, jamais je n'ai eu le droit à un café ou une boisson ou encore un dessert offert. Jamais? En fait, pas exactement. Un jour, alors que je venais de terminer mon Döner- je mastiquais encore- Osmane me surprit- et dieu sait comment!- en me demandant ceci :
– Tu veux un café? Je te l'offre.
– Un café!...Un café?...Un café... Ah, ça aurait été avec grand plaisir, chef, mais j'y vais au cinoche, là... d'ailleurs je dois me dépêcher pour rattraper la séance de 22h30, il est 22h 20 déjà...
– Comme tu veux... ça sera pour une autre fois alors...
– Oui...bah, si tu veux, je peux repasser ici après le film et tu m'offriras un café. Tu seras encore ouvert vers minuit, non?...
– Oui, oui, je suis là jusqu'à 1h30 de toute façon...
– Et bah, c'est bon alors...je repasserai toute à l'heure...allez, chef, je dois filer...à toute!
– A toute !

Je sortis dans la rue avec une tristesse inexpliquée. Peut-être n'avais-je pas envie de regarder un film tout compte fait. Ou bien avais-je été extrêmement touché par la gentillesse de Osmane qui consentait enfin de m'offrir quelque chose? Regrettais-je de l'avoir jugé un peu trop vite? Serait-il un ange qui travaille dans un Döner, Osmane?« Tiens je vais plutôt faire un tour sur internet », m'étais-je dit, "ça me videra la tête." J'allai à Utopie, un cybercafé. Un quart d'heure plus tard, j'étais déjà rentré en transe devant mon écran à n'y faire grand-chose, comme d'habitude : je vérifiai et re-vérifiai mon courriel, bavai devant une paire de seins, re-re-vérifiai mon courriel, rien, regardai pour des concours d'écriture, lut quelques citations de Bukowski, fis des recherches sur google en tapant en premier temps « l'amour existe t-il? » puis en deuxième temps « jambes+nylon », vérifiai encore une fois mon courriel en me disant que peut-être il y aurait là une femme mystérieuse qui me déclarerait son infinie admiration pour ma personne. Rien de tout ça. Une heure s’était déjà écoulée, je décidai quand même de rester encore une bonne demi-heure, ce qui me ferait un temps de film, après quoi j'irais chez Osmane et boirais mon café promis puis rentrerais chez moi.

Sur le chemin du retour, je ressentis la même tristesse qu’avant doublée d'une étrange lassitude. Encore une fois je n'avais rien fait d'utile sur le net et n'avais pas regardé le film que je m'étais promis de voir. Ma gorge était sèche, j'avais soif. J'entrai dans le snack. Osmane discutait avec deux autres turcs qui traînaient là très souvent.
– Bonsoir messieurs. Re-salut, chef–
Re-salut, chef, ça été le film?
– Oui, super!
– Ah ouais?
– Ils sont forts ces asiatiques...
– Ah oui?
– Oui. Franchement ils ont tout compris, eux-autres... Super le film!
– Un café?
– Un café?... Je prendrais un Orangina plutôt, si tu veux bien, j'ai soif.
– Pas de problème, sers toi, je vais te donner un verre...

Il me servit le verre et retourna discuter avec les deux Turcs. Je l'avais toujours trouvé différent en présence d'autres turcs, Osmane. Sa voix surtout, je ne la reconnaissais plus- sûrement, était-ce dû au fait que je n'étais pas habitué à l'entendre parler le turc. Et soudain, je me sentis seul, délaissé, ignoré. Je me sentais vraiment de mauvais poil. Encore une fois je n'avais "rien branlé" de ma journée. Con, mou, et insignifiant. Et profiteur, par dessus le marché. Je ne méritais pas un café offert. Je n'avais fourni aucun effort pour qu'on m'offre quoi que ce soit. Je n'étais même pas capable de me foutre dans une salle de cinéma, avec un pop corn et un coca à me marrer devant un film drôle et intelligent. Je n'étais pas tout simplement capable de me faire du bien. De plus, n'aurais-je pas pu attendre une prochaine fois pour l'avoir cette foutue boisson offerte? Aurais-je été capable d'être patient un jour?
Je bus vite fait mon Orangina pour rentrer chez moi retrouver un peu de sommeil. Je me levai pour partir. Osmane se leva aussi. Par politesse, je demandai combien je lui devais pour l'Orangina, comme ça. Alors que je m'attendais à l'évidente réplique « non, attends, mais tu rigoles?... je te l'ai déjà dit que c'est pour moi... », Osmane marqua une petite pause avant de lâcher avec un sourire éclatant :
– 1euro 50, s'il te plaît...
– 1 euro 50?!...ok...tiens...voilà...1euro 50... merci... bonne soirée, Osmane... salut... à une prochaine...
Lui, toujours le même sourire niais :
– Bonne soirée.

Ce fut la dernière fois que je vis Osmane.

jeudi 9 juillet 2009

Ne dis pas tes peines à autrui, les vautours s'abattent sur le blessé qui gémit.

"Un livre pour tous et pour personne" (Nietzche à propos de son "Ainsi parlait Zarathoustra" publié en 1883)

Cette nuit j'ai fermé les yeux sur la quatrième page du "Ainsi parlait Zarathoustra" de Nietzche- cela m'a fait penser au "Prophète" de Gibran qui a du s'en inspirer. Ce matin, réveil sur "Love etc." de Pet Shop Boys- excellente chanson, excellente vidéo. Hier, en faisant ma marche nocturne quotidienne, une phrase trottait dans ma tête : "Le père c'est le paravent de la mort."
Bonjour!




mercredi 8 juillet 2009

Dessiner

Bon voila : j'imagine-egoistement- que bon nombre d'entre vous, surtout ceux qui me connaissent vraiment et me suivent depuis un moment, se demande pourquoi ce jeune homme- moi- s'est mis soudain a se passioner pour le dessin, vous questionnant probablement sur la legitimite de la demarche. Eh bien, je vais vous repondre : c'est tout simplement que j'en avais envie. Ou pas exactement : le dessin m'est venu comme une fatalite ou peut-etre, apres reflexion, une futilite.
On est mai 2007. A l'epoque je me suis ridiculeusement exile a Paris- je vivais a Strasbourg- sous pretexte d'y chercher un travail. Refuse pour un poste de pigiste, poste qui m'a justement decide de faire le deplacement entre les deux villes, je me suis vu plonge dans une depression pas possible. De nature peu entreprenante, je commencais a prendre gout pour l'oisivete tout en me complaisant dans mon etat depressif. C'etait un soir, si ma memoire est bonne, ou la depression battait son plein. Je saisis un crayon et une feuille et dessinai le visage d'un homme. Le visage etait un peu tristounet et meme, expressement, un peu deforme. Mais peu importe j'avais pris un plaisir enorme a dessiner cette chose ( ou une sorte de defoulement, qui sait. ) Puis dans la nuit je dessinai plusieurs visages, d'hommes et de femmes, frenetiquement. Le trait etait peu hesitant quoiuque exagerement appuye. C'est dire que je ne connaissais pas- et je ne maitrise toujours pas- l'anatomie humaine. D'autres dessins avait vu le jour les jours qui ont suivi. Pour etre franc, j'en etais pas si insatisfait que ca, ca me plaisait meme. Quand mon meilleur ami, Joce, est venu me rendre visite je lui montrai ce que j'avais dessine et il etait agreablement surpris. Ce qui m'encouragea pas mal pour continuer. Ce que j'ai fait meme si j'ai arrete un temps, avant de reprendre le jour ou je suis rentre au Liban amer de mon experience de Paris et de mes huit ans passes en France.
J'ai fait des etudes de theatre- je n'aime pas le theatre meme si j'aime jouer. Dans la classe, Bruno, un camarade me surnommait "Le Fantaisiste" a cause de mon caractere instable et vagabond. S'attaquer au dessin a 27 ans, quand on a que gribouille sur le cahier d'ecolier est "fantaisiste" en effet. Aujourd'hui j'ai 29 ans- 30 en septembre- et j'ai touche a pas mal de choses surtout du cote du domaine artistique : guitare ( pas methodique du tout et repetitif ), jeu dramatique ( bcp de plaisir surout pour des roles comiques ), ecriture ( domaine ou j'etais le plus serieux et le plus endurant ), sculpture sur pate a modeler ( tres passager ), serveur ( trois quatre ans. ) Je n'ai jamais ose approfondir, probablement par peur d'etre etiquete. A trente ans bientot je me sens toujours comme un enfant.
A l'heure qu'il est j'ai bcp de plaisir a dessiner tout en ayant conscience de mes lacunes abyssales en dessin academique, mais j'essaie d'assumer cela et meme d'en jouer. A propos, que dieu benisse oncle Google et papy Youtube qui me permettent, par des tutoriels filmes, d'accomplir ma formation autodidacte ( d'ailleurs, comme pour la guitare, j'ai essaye de suivre des cours de dessin mais j'ai pas pu tenir plus qu'un mois. )
J'aime beaucoup l'ecriture mais ca a toujours ete laborieux pour moi, sauf quand j'ecris rapide pour rendre une ambiance. Avec le dessin, bien que loin de le maitriser, je me sens bcp plus a l'aise et libre. L'envie de dessiner me vient vers 3h du matin quand la depression et l'oisivete ont fait leurs ravages. La journee, l'envie ne me prend que tres rarement, preferant aller trainer dans des cafes ou faire l'amour si j'ai l'occasion- que j'ai tres rarement depuis deux ans maintenant, voire pas du tout.
J'aime beaucoup Soutine, Bacon et Van Gogh chez les peintres et Topor chez les dessinateurs. En plus je suis fan de leurs biographies, des biographies des gens que j'estime en general. Je voudrais etre un artiste comme eux ou au moins a la fois spirituel, decadent, temeraire et lache comme devrait etre un vrai homme.

P.S : Je m'en fous du vocabulaire et de la syntaxe de ce que je viens d'ecrire. Ces derniers temps , j'ai plus envie de corriger, de relire et de soigner. J'EN AI MARRE. Et excusez pour les accents : mon clavier est qwerty!

Le Fantaisiste,