jeudi 31 décembre 2009

Pensées

Je me croyais fou, capable de tout, jusqu'au jour où on me demanda d'arracher avec mes dents la tête d'un serpent vivant. Ca m'avait calmé et je me suis même senti prêt à aimer.

dimanche 19 juillet 2009

mardi 14 juillet 2009

Lectures du moment


En somme, les gens meurent comme les chats et aiment comme on aimerait une voiture. A croire que l'écrasement, ça les connaît.

samedi 11 juillet 2009

Osmane

Osmane travaille quatorze heures par jour : Osmane est turc. Osmane a une trentaine d'années, trois enfants et une moustache. Osmane en a sa claque de travailler dans le Döner Kebap. Osmane aimerait changer de vie. A la limite, Osmane aurait aimé cesser d'être turc.

Il est curieux et avide de savoir. Aussitôt qu'il a le temps, il se jette sur les quotidiens, les magasines et les livres, les dévore telle une rapace. Jamais, il ne rate un reportage ou un documentaire. Que ceux-ci parlent de politique, de société ou de koalas, cela lui est complètement égal : il prend tout. Osmane veut rattraper le temps perdu. Et franchement, tout compte fait, Osmane n'est pas mal du tout cultivé pour un Turc qui, toute la journée, baigne dans le "salade-tomate-oignons-sauce blanche-piment-harissa-poulet-boeuf-ketchup-mayonnaise-sauce rouge-tartare."

J'ai connu Osmane à force de me rendre dans son snack, comme ça, tout bêtement. A l'époque, j'étais déprimé et mangeais le Döner à raison de quatre à cinq fois par semaine, surtout la nuit avant de me coucher. Croquer dans le Döner, me procurait un plaisir intense qui, l'espace de quelques instants, m'aidait à oublier mon malheur. J'aimais ça, la viande dégueulasse, la sauce qui dégouline et le piment qui arrache. Ça comblait mon estomac et emplissait mon être.C'était clair : en un rien de temps le Döner était carrément devenu ma drogue et Osmane mon fournisseur. Il y eut même des nuits où je souffrais véritablement du manque de Döner, que j'apaisais en me masturbant devant un pornochic de Dorcel.

Aujourd'hui, je me rappelle que vers le début de notre relation, Osmane et moi n'étions pas très loquaces. Même si, incontestablement, il y eut entre nous un coup de foudre amical, nos discussions du début n'avaient rien de fantaisiste :
– Alors, chef...Poulet? Boeuf?
– Boeuf, s'il te plaît...
– Je te mets tout avec?
– Tout sauf oignons...
– Sauce?
– Blanche.
– Piment?
– S'il te plaît.
– Tiens, bon app’.
– Merci, chef.

Je saisissais nerveusement le Döner et mordais dedans avec la hargne d'un drogué en manque. En cinq minutes top chronos, il n'en restait que la ridicule petite fourchette en plastique. Ensuite, je restais là encore deux minutes sur ma table à se curer les dents et à savourer les dernières lampées de mon Coca ( ou Fanta, ça dépendait ) avant de me lever pour payer.
– Je te dois combien, chef?–
Un doner...3euros 50...plus une boisson...1 euro 50...ça nous fait 5 euros, s'il te plaît.
– J'ai un peu de monnaie, si tu veux...
– Super, ça m'arrange...
– ...4,70...4,90...et 10 centimes...5...voilà, chef...merci...bonne soirée à toi.
– Ouais...de même.
– Salut.
– Salut.

En deux semaines, j'avais pris quatre kilos et ma dépression s'était aggravée suite à une alimentation justement pas très équilibrée. D'ailleurs notre première vraie discussion porta sur la question de si le Döner est, oui ou non, un repas équilibré.
– Je te l'jure, m’assura Osmane, moi j'en mange chaque jour, midi et soir, et franchement regarde...De sa main, il me désigna fièrement son ventre- qui était loin d'être plat. Puis il continua :
– C'est sain, le Döner; là dedans, t'as de la viande, du pain, des crudités...C'est complet comme repas.
– Tu penses?
– Je te le jure!

C'est alors après cette discussion sur l'alimentation qu’Osmane et moi eûmes encore d'autres sujets de conversation qui tenaient largement la route. Il nous arrivait même de parler de choses profondes comme les bienfaits de l'empire ottoman et la stupidité des religions. Et petit à petit, on était devenus de très bons amis, même si cela ne dépassa jamais le cadre du snack. Lui, ça lui suffisait- il était enfin content qu'il y eût une âme sensible qui l'écoutât- et moi, je me dois de l’avouer, il m'était difficile, très difficile même, de me figurer en train de boire un verre, regarder un film ou disputer une partie de billard avec Osmane. Osmane était mon « ami de Döner », comme d'autres ont leurs amis de travail, point.
" Y a des clients qui me tapent sur les nerfs, je te l'jure. Mais avec toi c'est pas pareil...", souvent me disait-il avec un sourire débordant de gentillesse sincère.

Osmane parlait beaucoup. Il aimait s'exprimer. Normal, vu qu'il en avait rarement l'occasion. D'ailleurs, ça me convenait parfaitement bien que, malheureusement, très souvent, je décrochais- c'était ou bien parce que j'étais trop fatigué, ou bien parce que mon estomac grouillait ou bien parce que, tout simplement, ce qu'il était en train de me raconter me rasait sec. Ceci ne m'empêchait pas de trouver Osmane réellement intéressant et surtout bien différent des autres Turcs qui travaillaient dans le Döner Kebap. Osmane était unique. Vraiment.

Or, au cours de notre amitié, il s'était avéré que Osmane avait un défaut, un seul, peut-être le pire.De toutes les fois que je m'étais rendu dans son snack, jamais au grand jamais, Osmane ne m'avait offert quoi que ce soit. Une fois, je m'étais amusé à faire les calculs pour voir combien de mon argent était passé dans la caisse d’Osmane. Résultat : en trois mois, j'avais claqué quelques 255 euros, Döner (3,50 euros) et boisson comprise( 1,50 euro )- et n'en parlons pas du temps! Eh bien, sur les 255 euros, jamais je n'ai eu le droit à un café ou une boisson ou encore un dessert offert. Jamais? En fait, pas exactement. Un jour, alors que je venais de terminer mon Döner- je mastiquais encore- Osmane me surprit- et dieu sait comment!- en me demandant ceci :
– Tu veux un café? Je te l'offre.
– Un café!...Un café?...Un café... Ah, ça aurait été avec grand plaisir, chef, mais j'y vais au cinoche, là... d'ailleurs je dois me dépêcher pour rattraper la séance de 22h30, il est 22h 20 déjà...
– Comme tu veux... ça sera pour une autre fois alors...
– Oui...bah, si tu veux, je peux repasser ici après le film et tu m'offriras un café. Tu seras encore ouvert vers minuit, non?...
– Oui, oui, je suis là jusqu'à 1h30 de toute façon...
– Et bah, c'est bon alors...je repasserai toute à l'heure...allez, chef, je dois filer...à toute!
– A toute !

Je sortis dans la rue avec une tristesse inexpliquée. Peut-être n'avais-je pas envie de regarder un film tout compte fait. Ou bien avais-je été extrêmement touché par la gentillesse de Osmane qui consentait enfin de m'offrir quelque chose? Regrettais-je de l'avoir jugé un peu trop vite? Serait-il un ange qui travaille dans un Döner, Osmane?« Tiens je vais plutôt faire un tour sur internet », m'étais-je dit, "ça me videra la tête." J'allai à Utopie, un cybercafé. Un quart d'heure plus tard, j'étais déjà rentré en transe devant mon écran à n'y faire grand-chose, comme d'habitude : je vérifiai et re-vérifiai mon courriel, bavai devant une paire de seins, re-re-vérifiai mon courriel, rien, regardai pour des concours d'écriture, lut quelques citations de Bukowski, fis des recherches sur google en tapant en premier temps « l'amour existe t-il? » puis en deuxième temps « jambes+nylon », vérifiai encore une fois mon courriel en me disant que peut-être il y aurait là une femme mystérieuse qui me déclarerait son infinie admiration pour ma personne. Rien de tout ça. Une heure s’était déjà écoulée, je décidai quand même de rester encore une bonne demi-heure, ce qui me ferait un temps de film, après quoi j'irais chez Osmane et boirais mon café promis puis rentrerais chez moi.

Sur le chemin du retour, je ressentis la même tristesse qu’avant doublée d'une étrange lassitude. Encore une fois je n'avais rien fait d'utile sur le net et n'avais pas regardé le film que je m'étais promis de voir. Ma gorge était sèche, j'avais soif. J'entrai dans le snack. Osmane discutait avec deux autres turcs qui traînaient là très souvent.
– Bonsoir messieurs. Re-salut, chef–
Re-salut, chef, ça été le film?
– Oui, super!
– Ah ouais?
– Ils sont forts ces asiatiques...
– Ah oui?
– Oui. Franchement ils ont tout compris, eux-autres... Super le film!
– Un café?
– Un café?... Je prendrais un Orangina plutôt, si tu veux bien, j'ai soif.
– Pas de problème, sers toi, je vais te donner un verre...

Il me servit le verre et retourna discuter avec les deux Turcs. Je l'avais toujours trouvé différent en présence d'autres turcs, Osmane. Sa voix surtout, je ne la reconnaissais plus- sûrement, était-ce dû au fait que je n'étais pas habitué à l'entendre parler le turc. Et soudain, je me sentis seul, délaissé, ignoré. Je me sentais vraiment de mauvais poil. Encore une fois je n'avais "rien branlé" de ma journée. Con, mou, et insignifiant. Et profiteur, par dessus le marché. Je ne méritais pas un café offert. Je n'avais fourni aucun effort pour qu'on m'offre quoi que ce soit. Je n'étais même pas capable de me foutre dans une salle de cinéma, avec un pop corn et un coca à me marrer devant un film drôle et intelligent. Je n'étais pas tout simplement capable de me faire du bien. De plus, n'aurais-je pas pu attendre une prochaine fois pour l'avoir cette foutue boisson offerte? Aurais-je été capable d'être patient un jour?
Je bus vite fait mon Orangina pour rentrer chez moi retrouver un peu de sommeil. Je me levai pour partir. Osmane se leva aussi. Par politesse, je demandai combien je lui devais pour l'Orangina, comme ça. Alors que je m'attendais à l'évidente réplique « non, attends, mais tu rigoles?... je te l'ai déjà dit que c'est pour moi... », Osmane marqua une petite pause avant de lâcher avec un sourire éclatant :
– 1euro 50, s'il te plaît...
– 1 euro 50?!...ok...tiens...voilà...1euro 50... merci... bonne soirée, Osmane... salut... à une prochaine...
Lui, toujours le même sourire niais :
– Bonne soirée.

Ce fut la dernière fois que je vis Osmane.

jeudi 9 juillet 2009

Ne dis pas tes peines à autrui, les vautours s'abattent sur le blessé qui gémit.

"Un livre pour tous et pour personne" (Nietzche à propos de son "Ainsi parlait Zarathoustra" publié en 1883)

Cette nuit j'ai fermé les yeux sur la quatrième page du "Ainsi parlait Zarathoustra" de Nietzche- cela m'a fait penser au "Prophète" de Gibran qui a du s'en inspirer. Ce matin, réveil sur "Love etc." de Pet Shop Boys- excellente chanson, excellente vidéo. Hier, en faisant ma marche nocturne quotidienne, une phrase trottait dans ma tête : "Le père c'est le paravent de la mort."
Bonjour!




mercredi 8 juillet 2009

Dessiner

Bon voila : j'imagine-egoistement- que bon nombre d'entre vous, surtout ceux qui me connaissent vraiment et me suivent depuis un moment, se demande pourquoi ce jeune homme- moi- s'est mis soudain a se passioner pour le dessin, vous questionnant probablement sur la legitimite de la demarche. Eh bien, je vais vous repondre : c'est tout simplement que j'en avais envie. Ou pas exactement : le dessin m'est venu comme une fatalite ou peut-etre, apres reflexion, une futilite.
On est mai 2007. A l'epoque je me suis ridiculeusement exile a Paris- je vivais a Strasbourg- sous pretexte d'y chercher un travail. Refuse pour un poste de pigiste, poste qui m'a justement decide de faire le deplacement entre les deux villes, je me suis vu plonge dans une depression pas possible. De nature peu entreprenante, je commencais a prendre gout pour l'oisivete tout en me complaisant dans mon etat depressif. C'etait un soir, si ma memoire est bonne, ou la depression battait son plein. Je saisis un crayon et une feuille et dessinai le visage d'un homme. Le visage etait un peu tristounet et meme, expressement, un peu deforme. Mais peu importe j'avais pris un plaisir enorme a dessiner cette chose ( ou une sorte de defoulement, qui sait. ) Puis dans la nuit je dessinai plusieurs visages, d'hommes et de femmes, frenetiquement. Le trait etait peu hesitant quoiuque exagerement appuye. C'est dire que je ne connaissais pas- et je ne maitrise toujours pas- l'anatomie humaine. D'autres dessins avait vu le jour les jours qui ont suivi. Pour etre franc, j'en etais pas si insatisfait que ca, ca me plaisait meme. Quand mon meilleur ami, Joce, est venu me rendre visite je lui montrai ce que j'avais dessine et il etait agreablement surpris. Ce qui m'encouragea pas mal pour continuer. Ce que j'ai fait meme si j'ai arrete un temps, avant de reprendre le jour ou je suis rentre au Liban amer de mon experience de Paris et de mes huit ans passes en France.
J'ai fait des etudes de theatre- je n'aime pas le theatre meme si j'aime jouer. Dans la classe, Bruno, un camarade me surnommait "Le Fantaisiste" a cause de mon caractere instable et vagabond. S'attaquer au dessin a 27 ans, quand on a que gribouille sur le cahier d'ecolier est "fantaisiste" en effet. Aujourd'hui j'ai 29 ans- 30 en septembre- et j'ai touche a pas mal de choses surtout du cote du domaine artistique : guitare ( pas methodique du tout et repetitif ), jeu dramatique ( bcp de plaisir surout pour des roles comiques ), ecriture ( domaine ou j'etais le plus serieux et le plus endurant ), sculpture sur pate a modeler ( tres passager ), serveur ( trois quatre ans. ) Je n'ai jamais ose approfondir, probablement par peur d'etre etiquete. A trente ans bientot je me sens toujours comme un enfant.
A l'heure qu'il est j'ai bcp de plaisir a dessiner tout en ayant conscience de mes lacunes abyssales en dessin academique, mais j'essaie d'assumer cela et meme d'en jouer. A propos, que dieu benisse oncle Google et papy Youtube qui me permettent, par des tutoriels filmes, d'accomplir ma formation autodidacte ( d'ailleurs, comme pour la guitare, j'ai essaye de suivre des cours de dessin mais j'ai pas pu tenir plus qu'un mois. )
J'aime beaucoup l'ecriture mais ca a toujours ete laborieux pour moi, sauf quand j'ecris rapide pour rendre une ambiance. Avec le dessin, bien que loin de le maitriser, je me sens bcp plus a l'aise et libre. L'envie de dessiner me vient vers 3h du matin quand la depression et l'oisivete ont fait leurs ravages. La journee, l'envie ne me prend que tres rarement, preferant aller trainer dans des cafes ou faire l'amour si j'ai l'occasion- que j'ai tres rarement depuis deux ans maintenant, voire pas du tout.
J'aime beaucoup Soutine, Bacon et Van Gogh chez les peintres et Topor chez les dessinateurs. En plus je suis fan de leurs biographies, des biographies des gens que j'estime en general. Je voudrais etre un artiste comme eux ou au moins a la fois spirituel, decadent, temeraire et lache comme devrait etre un vrai homme.

P.S : Je m'en fous du vocabulaire et de la syntaxe de ce que je viens d'ecrire. Ces derniers temps , j'ai plus envie de corriger, de relire et de soigner. J'EN AI MARRE. Et excusez pour les accents : mon clavier est qwerty!

Le Fantaisiste,

dimanche 21 juin 2009

Champions

Et on entendait le rugissement de la mer lasse emprisonnée derrière la trajectoire des ballons farouches. La chair s’était retirée- tant bien que mal : c’est l’heure de l’os. Les cœurs frétillaient, turbulents et ensablés. Une brise d’hiers brisés caressait nos yeux clos, béats. L’horizon aurait servi de corde à usages multiples, selon le besoin et l’humeur. « J’ai soif, maman » revenait comme une rengaine, un retour à l’essentiel. Les corps, enterrés sous le sable, répétaient avant le repos final, sous la terre. Les enfants bâtissaient des châteaux que les plus grands démolissaient aussitôt- par inadvertance qu’ils disaient. Main dans la main, des chapeaux et des parasols, beaucoup, s’évertuaient à concocter de l’ombre : cancer en quarantaine. Tournant le dos comme de coutume, l’Amour prenait des couleurs étranges. Puis face à la redondance du paysage et aux murmures lancinants des derniers mortels- nous, le soleil finissait toujours par bâiller, forcément. Nous rentrions alors dans nos murs, délicieusement fatigués, revigorés, rajeunis, embellis et souvent fin prêts à procréer. Nous snobions la Mort, en somme. Nous ignorions toute forme de chute et de transparence. Nous devenions pour ainsi dire suffisamment opaques et sombres pour aisément nous fondre dans la nuit tombante. Des champions.

vendredi 17 avril 2009

Panini

Au parc
Ta joie de vivre et ma clairvoyance
Dansent un tango

Des enfants jouent au loin
Et je suis triste
D’avoir passé le cap
Je t’aime à ma façon
Je t’aimerai un jour

Élargis tes horizons
Le toboggan n’en est pas un
Les arbres sont des orages figés
Les enfants, des êtres fourbes

Car
Ton haleine est l’odeur de ton âme
Et j’ai déjà senti une chose semblable auparavant
Les Hommes se ressemblent après tout
Un sexe
Une bouche
Des yeux
La mort

Avale ton panini et embrasse-moi
Après, au creux de l’oreille
Je te raconterai que ma vie est un roulement de drums- Fronceras-tu les sourcils?
Que nous sommes des êtres éphémères
Que l’amour est immortel
Que tout cela est incompatible
Justement
Te parlerai de ces journées de lumière où fleurissait mon insouciance
De ces nuits où je saignais sur l’oreiller
A me blesser par
Les cauchemars
Les souvenirs
L’angoisse
Dévalant les jours pour finir au présent

Avale, embrasse
Fais-moi rire

"Nouvelles romaines" de Alberto Moravia (1954)



Dans Nouvelles romaines, Moravia se mue en conteur, dans le cadre d'une tradition typiquement italienne, et en conteur uniquement livré au plaisir de raconter. Pacifié, il retrouve une connivence foncière avec le petit peuple de Rome, sa patrie profonde et pittoresque, et le lieu d'un certain bonheur d'être, dans une dolce vita qui n'a rien de fellinien. ( Nino Franck )

jeudi 16 avril 2009

"The Wrestler" de Darren Aronofsky (2009)




A la fin des années 80, Randy Robinson, dit The Ram ("Le Bélier"), était une star du catch. Vingt ans plus tard, il ne se produit plus que dans des salles de gym de lycées ou des maisons de quartier... Brouillé avec sa fille, il est incapable d'entretenir une relation durable avec quiconque : il ne vit que pour le plaisir du spectacle et l'adoration de ses fans. Mais lorsqu'il est foudroyé par une crise cardiaque au beau milieu d'un match, son médecin lui ordonne d'abandonner le catch : un autre combat pourrait lui être fatal. Contraint de se ranger, il tente de renouer avec sa fille et, dans le même temps, entame une liaison avec une strip-teaseuse vieillissante. Pourtant, son goût du spectacle et sa passion pour le catch risquent bien de reprendre le dessus et de le propulser de nouveau sur le ring... (Allociné)

Pensées

Une flopée de nouvelles de décès ces derniers jours : la Mort m'assiège. Je me sens vivant, comme jamais. A nous, ma salope.

Yasmine

Je l’aime déjà. Yasmine. Elle est malade. Scélrose en plaque. « Je préfère mourir que de perdre une main ou un œil » qu’elle m’a dit. Syrienne. Je vais la voir jeudi. Elle habite à Damas. Elle croit que je suis un grand comique. J’espère la faire rire. J’ai envie de la prendre dans mes bras. On va prendre un verre. Je l’ai connue sur msn. Par le biais d’Oussama. Mon dieu qu’elle est belle. Toutefois. J’ai fait une recherche sur internet. Sclérose en plaque+mort. J’aimerais me marier avec elle. Elle est si douce. Yasmine, avec toi j’irai au bout des mondes. Jacqueline du pré. Elgar Cello.
Je suis en bonne santé. Moi. Quel talent ! En ce moment elle travaille sur l’illustration d’un bouquin pour enfants. Elle se fatigue vite. Je pense que sa maladie me procure un certain plaisir. Je t’aime. J’ai pitié. Aime-moi. Je serai l’élu. Je crois que je vais l’inviter à venir vivre avec moi. Je ne suis qu’un résultat d’une collision génétique, après tout. J’ai envie de lui parler. De la rassurer. De lui dire que je suis là. Une poignée de kilomètres. Que je lui ferai plein d’enfants, tous les enfants qu’elle souhaite. Avant de. Si une fois elle doit. « Toi aussi tu es WAW comme Jacqueline Du Pré sauf que moi j’ai décidé que rien ne t’arrivera. » Je vais faire moine. Je ne suis pas fait pour me marier. Je suis un être inaccompli. Un enfant. Je fais partie de ces gens qui osent croire détenir une quelconque forme de talent. Hier, Yasmine, je t’ai déssinée.
«Yasmine dansant en attendant l’Amour». L’Amour, la mort, peu importe. Je t’aime. J’aimerais tant t’aimer. Je t’aime. Depuis toujours, je cherche une femme avec un hic. Te voilà. Le hic des hics. Je suis un menteur. Je ferais mieux de faire du commerce comme tout Libanais qui se respecte. Acheter une BMW, vendre une Mercedes, importer une Golf. La violencelle. Je suis prêt à t’aimer, toi la malade. Peut-être saurais-je qui je suis, enfin. Jadis, j’heurtais la mort en allant de ma chambre jusqu’à la cuisine. Maintenant, je n’ai plus peur de mourir. La force de continuer. Maintenant, je peux fumer en toute tranquilité. Sans penser au cancer. Je vais faire athlète. Altérophile. Et je soulèverai ton cadavre au-delà du temps. Je veux des enfants. Je suis fou. Ne sois pas triste. Folle aussi. Les gens beaux ne meurent pas. C’est écrit dans la bible. Et on achètera un château. Un verre d’eau. Une table. Une cigarette. Une caméra. Des yeux. Une phrase. Des poils. Un monastère. Une marche d’une heure chaque jour. Yasmine, l’amour naît d’un malentendu.

Aphorismes

Si souvent les humains se donnent volontiers à la routine c'est qu'ils éspèrent en obtenir l'aplatissement de leur vie, faire de cette dernière une ligne droite, logique et sécurisante. Ce qui est loin d'être vrai, bien entendu, puisque la Mort, quand elle est fougueuse, fauche à des moments complètement inattendus. Elle déjoue la routine qu'elle méprise.

Les filles qui portent des sandales meurent prématurément

J’ai été mordu…

Train 2934, entre deux villes, voici l’histoire de ma vie.

Je quittai mon Liban natal pour changer d’air. Pas exactement : c’est Flaubert de sa tombe qui, par les cheveux, m’a traîné jusqu’ici, rue de la demi-lune.

Les briques de cette maison nordique sont entassées comme mes jours. Je suis fatigué de toujours faire semblant d’être moi.

La campagne est belle. Il y règne une atmosphère de paix. C’est sûrement là où mon âme aimerait se reposer- on s’est concertés hier et on trouve que c’est un lieu spacieux et sujet aux courants d’air.

Toute à l'heure, j’ai appris que j’avais 27 ans. Une claque.


« 3 juin 2007 » a dit le contrôleur. « Périmé, votre titre de transport est périmé, monsieur »

Entre les rails du train tout le monde sait qu'il existe de camps de concentration jamais explorés.

Cet après-midi, j’avais compris que je ne pourrais jamais vivre avec une femme qui, d’une façon ou d’une autre, venait à me montrer ses orteils. Les orteils c’est la mort. Le képi du contrôleur abrite la vacuité.

Hier, j’ai appelé mon ex. Je lui ai dit que je pensais à elle. Toujours. Elle m’a répondu : « Moi, jamais. » J’ai pleuré de tout mon cœur, pleuré comme ce n’est pas permis. Une mer, un océan de larmes. J’étais sur le point de l’atteindre quand elle s’est noyée.

J’essaie de dormir. Impossible : j’ai trop bu de coca. Mon âme est tendue comme un trampoline.La voix-off du contrôleur n’a pas lieu d’être. Le contrôleur, en tant que tel, non plus.

Mon amie chinoise, inlassablement, me répète que je serai un grand écrivain. Moi, toujours je lui réponds :
- Mais non, à 27 ans on ne peut plus grandir. Pour les filles, cela s’arrête à 16 et chez les garçons, à 21, au plus tard.
- Hahahaha, qu’elle réplique.

Chaque jour, même itinéraire : Effet-mer – Outrereve- Msn- Effet-mer- Msn. Je pense que juste la mort pourrait mettre terme à une aliénation pareille.

Entre toi et moi, il y a moi.

J’ai dit à mon père que je souhaitais qu’il crève. Il a pleuré un bon coup avant de m'avouer que j’avais complètement raison. Par la même occasion j’ai appris que ma mère s’appelait Yolande. Toute la soirée je l’ai passée à prononcer son prénom en boucle. Résultat : je n’aime pas son prénom.

La lune est ronde dans la fenêtre.

Cette nuit j’ai rêvé ceci : je suis dans la rue, une inconnue vient à ma rencontre. Elle me tend un verre vide et me demande si je pourrais le lui remplir car elle meurt de soif. Je lui dis « pas de problème, je vous apporte ça ». Je monte à la maison. Trois jours après, découvrant le verre sur une table basse, je me rappelle que la bonne femme m’attend toujours en bas de chez moi.

Verser des larmes c’est comme verser de l’argent sauf que c’est moins cher.

Trois quart d’heure, c’est le temps que j’ai mis pour trouver une position décente pour m’endormir. J’ai opté pour celle de l’embryon. La buée sur les vitres est amniotique.

J’ai beaucoup d’humour, je trouve. C’est sûrement parce que, quelque part, je souffre. Je souffre beaucoup, je trouve. C’est sûrement parce que, quelque part, je ne ris que très rarement.

Sylvie m’a dit que je serai un grand poète et qu’un jour, il y aurait une rue à mon nom. Je lui ai dit :
- Mais non
- Si, si.
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non.
- De quoi on parlait déjà ?
- Expldr.

Les arbres défilent comme des mannequins, à ce détail près qu’on ne les reverra jamais, les arbres.
- Tu connais l’arbre le plus célèbre ?
- Non, c’est quoi ?
- Naomi Campbell.

Juste au dessous de moi il y a un bruit, un sifflement. Les bombes sifflent-elles avant d’exploser ? Trop tard.

On est rentrés dans ce resto chinois. « La Grande Muraille » qu’il s’appelle. Très original. Il n’y avait personne. Jusqu’à ce qu’une femme au yeux bridés- la serveuse ?- fasse son apparition. « Bonjour » qu’on lui a dit. Elle n’a pas répondu. « On peut manger », on a demandé. « Pardon ??!! » elle s’est exclamée. « ON PEUT MANGER ? » « Bah installez-vous » qu’elle nous a fait. Quand elle est revenue pour nous remettre les cartes, on n’était plus là.

Mon reflet dans la fenêtre m’a crié que je serai plein d’asticots un de ces quatre. Alors j’ai fermé les yeux et me suis imaginé, sans grand effort, la sensation que l’on pourrait avoir quand on se brise le cou. Je crois que je l’ai juste. A voir.

Ces deux derniers jours, j’ai dessiné des femmes nues, des maisons en 3D et beaucoup, beaucoup de taureaux.

Je louche légèrement : dans un visage aux traits réguliers, cette douce anomalie trahit ma folie.

J’ai caché mon bassin par une chemise noire, sorti mon sexe et pensé à Johanna qui voulait toujours baiser quand on était encore ensemble. « Je suis à toi, toute entière. » qu’elle me disait. Je suis venu en moins d’une minute. Je pense que je préfère notre vie sexuelle d’aujourd’hui.

Johanna,
Parfois, les trains tanguent comme les bateaux.
Parfois, il est préférable de fermer les yeux pour voir plus clair.
Parfois, l’amour a une odeur douteuse.
Parfois, 3*5 font 15.
Parfois, j’ai envie de voler
Parfois, j’ai 27 ans
Parfois, je pense à toi souvent.
Parfois, la mort surgit quand on l’attend le moins.
Parfois, quand je suis dans une gare j’attends le moment où mes yeux rencontreraient les tiens. Parfois, je pense que mon dernier souffle serait un rire de cochon.
Parfois, il y a une chose qui se brise en moi et c’est irrécupérable.
Parfois, je me rappelle qu’à un moment donné de mon existence, j’adorais les chats. Même si je les balançais du cinquième étage, ça n’empêchait pas. C’était aussi l’époque où, petits encore, je m’amusais à renverser la glace de mon frère cadet. Jamais je n’oublierai ce filet de bave qui se suspendait à sa bouche quand il chialait.

Chaque nuit, j’embrasse mes quatre doigts en guise d’affection pour ma famille, qui est loin : Joe, Fabien, Maman et Papa. Chaque nuit, je me dis comment cela serait-il si je me casse le cou.

Cette nuit, je rentrerai à pieds, pour changer.

Aphorismes

Le dico en guise d'oreiller, le livre, de couverture, que le beau vice du littéraire.

Ida

La salope
Juste après une pipe d’enfer elle m’a craché un bébé bleu sur la carpette Ikea
« T’es mimi, tu sais » m’a-t-elle fait en dandinant vers la salle de bains
Ida.

« Dis, Bébé Bleu : comment devient-on père sans avoir tué le sien ? »
Bé’ Bleu se faufila sous le lit et disparut

- Des omelettes, chéri ?
- Un café, fort, très fort
- D’acc’ Et elle m’a embrassé sur le bout du nez
Et une larme a coulé sur ma joue
Ida dit que je suis beau quand je pleure, « tu es beau quand tu pleures »,
Qu’elle aime mes oreilles, « j’aime tes oreilles », et ma façon de tourner la tête de ¾ gauche quand je regarde par la fenêtre
« Tu es merveilleuse Ida, merveilleuse »
Ida a une manière bien à elle de tourner la tête de ¾ droite quand je l’aime par derrière

« Mets tes bas Ida"
Ida a mis son haut
« Attache tes cheveux Ida »
Ida a mis un jeans

« J't’aime, Ida, mais je suis fragile
Fragile comme un bas Ida
La peur Ida
Le temps Ida
La même porte Ida
Les mêmes omelettes Ida
Le même moi Ida"

Ida a versé le café
sans ciller, comme un dieu

mardi 13 janvier 2009

Tokyo's breakdown

« De l’autre côté de l’escalator, elle m’a tendu une fleur en pixel. Dès lors, j’avais compris que le thorax était la plus parfaite des prisons... »
Effectivement, on était trois à flairer ses pas en sépia. 853, suite Logique. Une table basse au centre. Noire. Une pomme fendue en deux. Silence.
Jamais n’avait-on vu fruit saigner de la sorte. Jamais douleur ne fut aussi blafarde qu’à ce matin d’avril noirci par les larmes et le saké.
Sur les murs du vide, on griffait : geisha, geisha où es-tu passée ? Serais-tu le blanc des cerisiers agonisants ? La brise sifflante sur la prose de Mishima ? Ces immeubles-revenants insurgés contre le bleu des cieux ?
Mais enfantée par l’impossible, te voilà ! Ombre de l’ombre. Aérienne. Majestueuse.
« Je n’apprendrai ni le français ni l’anglais » désespérément avais-tu répété, « ni le français, ni l’anglais. »
Terminus. Flaque.

dimanche 11 janvier 2009

Beyrouth

Nous courions dans tes rues feutrées
Tels des chiens vagabonds
Envoyions nos mômes en S.M.S
Invoquant un Allah qui faisait zoreille cochon
Te rappelles-tu?

Te rappelles-tu
De ces jeux de cartes
De ces nuits blanches dans le sous-sol des immeubles
De ces femmes qui buvaient le café
En entrevoyant la paix au fond des tasses?

Te rappelles-tu de Leila
La belle voisine du quatrième
De qui j’effleurais le sexe
Quand la mort frappait de plein fouet?
Te rappelles-tu de ces flash info plus assassins que les balles
De ce soldat à bout de nerfs lynchant mère et soeur avant de s’éclater la cervelle?

Te rappelles-tu de nos sourires souterrains et de notre innocence aérienne
De nos rêves d’enfant morts avant même de voir le jour?

Te rappelles-tu de cette nuit où nous tremblions comme une feuille d’automne
Quand la bombe s’était faite trop familière
De ce chat Nabih jamais revenu?

Te rappelles-tu
Quand le salaire de nos pères ne tombait plus
Quand les jours s’entassaient dans leurs poumons
Et le cancer promettait?…
Ils avalaient l’angoisse
Alors que nous, nous mangions la sardine
Et buvions les sanglots de nos mères
Te rappelles-tu?

Te rappelles-tu
Quand le glas sonnait comme bat un cœur
Quand nous nous démerdions à faire l’amour sur des tombes encore chaudes?

Te rappelles-tu
De ces montagnes en feu
De ce ciel saturé
De cette terre flasque
Et de la mer agressive?

Beyrouth
Tu n’es qu'une soirée people
Sur le toit d’un building poussiéreux
Une capitale située quelque part
Entre le Ridicule et le Rien

jeudi 8 janvier 2009

Toilettes condamnées

« Sous la peau de ses jambes en soie
Du sang coule depuis une bonne quarantaine d’années
Mais qu’importe?
Le résultat est bandant »

Café Kléber 12-14
Deux vendeuses nous racontent que
Berlin est une ville extraordinaire
- Berlin, c’est chouette
- C’est chouette, Berlin

Moi : - Un panini saumon, s’il te plaît
Svetla : - D’acc, tu veux boire quelque chose?
Moi : - Un verre d’eau et ça IRA.

Rentre un homme sans tête
En maillot du « FC Allah »Numéro 10
Il me toise
S’installe au comptoir
Commande un café
Occidental
Le boit d’une traite

« DIEU EST GRAND! »

Des cris
Des pleurs
Des sirènes

Silence

Les murs sont des cieux aux lambeaux de chair étoilés
Un porte-clefs carillonne
Le paradis enfin

Perso
Je me suis mangé la jambe galbée de la vendeuse numéro 1
Vendeuse numéro 2, elle, est passée au statut de puzzle pour les + de 100 ans

- Tu prends quoi en dessert?
- Un Palestinien renversé au caramel, s’il te plaît

mercredi 7 janvier 2009

Pas cher.

L'autre jour, on se demandait, mon ami Oussama et moi, s'il existait dans la langue française un mot, un seul, pour dire qu'un article n'est pas cher. En France, on entend dire "c'est pas cher" ou bien "c'est bon marché" mais jamais un mot et un seul.
"En anglais c'est "cheap", en arabe c'est "rkhis" mais en français ça donne quoi?", s'est-on demandé. On ne trouva guère la réponse et conclut qu'il n'y en avait pas, tout simplement. Puis aussitôt s'est posé le pourquoi de la chose? Pourquoi les Français recourent-ils à une locution- "pas cher"- pour dire qu'un article n'est pas cher?!
Après une longue et mûre réflexion je suis arrivé à la conclusion suivante : les Français sont tellement économes ( pas tous, j'en conviens ) qu'ils jaugent la valeur lucrative des choses d'une façon assez "dualiste", uniquement axée sur la notion du "cher"- c'est ou bien cher ou pas cher-comme si, incéssamment, on tentait de les faire payer plus; ou pire encore, de les arnaquer.
"Le "pas cher"est donc l'expression d'une sorte de paranoïa économique", résumai-je à mon ami qui faisait clinquer de la monnaie dans sa poche. Il commençait à avoir faim, moi aussi d'ailleurs. C'est alors qu'on est parti manger un "falafel" bon et... pas cher, du tout.

Le rhume

Aujourd'hui, j'ai rencontré la femme parfaite. Plus belle que la beauté, plus féminine que la féminité, plus sensuelle que la sensualité : une déesse! Certes, comme tout mâle moyen, faible et petit- imparfait dans un sens, j'ai cherché la chose, la faille, l'imperfection qui me laisserait peut-être espérer une chance avec cette superbe créature. N'ayant point trouvé de faille, je me suis mis à l'écart comme un chien battu.

C'est alors l'habitude et seulement l'habitude qui m'avait réconcilié avec elle au bout de cette étrange journée. Je mets l'accent sur "au bout" car, au moment où je lui serrais la main pour lui dire au revoir, c'est au bout d'un long souffle de fatigue qu'elle prit profond que j'ai entendu ses poumons siffler, probablement à cause d'un vilain rhume. Dès lors, un sourire triomphant se dessina sur mes lèvres : j'avais enfin trouvé la faille.
La superbe créature n'était qu'une mortelle, elle pouvait avoir le rhume. A cette constatation tardive, néanmoins, mon amertume n'en fut que plus vaste.

mardi 6 janvier 2009

Homo Rudolfensis

A présent
l'ultime issue
qui s'offre encore à moi
Pour t'oublier mon amour
C'est de m'appliquer
sévèrement
à t'imaginer
à te replacer
à des milliers
et des milliers
d'années de là
dans l'Histoire
dans la Préhistoire
Souillée par la boue
velue et infecte
Traînée sans merci
par un mâle en rut
dans une grotte brumeuse
Braillant de douleur
d'horreur
et d'angoisse

Anti-belle
Anti-actuelle

Kanoun

Encore seul
Seul dans ce café
A recommencer la clope
Dehors les touristes
Dehors le froid
Dehors Noël
Encore une fois

Mon cœur est propre
Je suis prêt à aimer
Prêt à mourir
Près du chauffage

Zilfu est content
Les affaires prospèrent
Svetla a des examens
Moi, je fais semblant
Que suis-je devenu ?
Que deviendrai-je ?
La mort, un jour

Au coin opposé
Un jeune homme sensible et littéraire
Lui aussi a oublié le goût d’une langue
La fraîcheur d’une joue
La tête légèrement penchée vers la gauche
Il lit

La cathédrale aimerait s’asseoir
Quatre siècles qu’elle est debout
Des varices aux jambes
Exactement comme Hanifa
La boniche du Grand Hôtel
Hanifa a cinq enfants
Le dernier a sombré
Il vend du shit
Je le vois dehors
Dehors où le froid
Dehors où les touristes
Dehors où Noël
Encore une fois

Peine d'amour au Café Kléber

Au Café Kléber
Il y a Svetla la serveuse
Et Zilfu le propriétaire
Zilfu est kurde
Svetla a des gros seins

Au Café Kléber
Je commande un café
avec un verre d'eau
Puis un deuxième café
avec un autre verre d'eau

Au Café Kléber
Il y a ma bouche qui fume
Mes pieds sous la table
et mes mains sur la table

Au Café Kléber
Il y a moi
et il y a toi
dans ma tête
Ma tête dans mes mains
Mes mains dans la fumée
La fumée dans les poumons
Et les poumons dans le corps
Et ton corps dans ma tête

Au Café Kléber
Il y a du café à 1,50
et deux cafés à 3 euros
3 euros
dans mes poches

Au Café Kléber
Il y a le matin
Il y a Zilfu
Il y a Svetla
Il y a moi
Il y a toi
et 3 euros dans mes poches