vendredi 17 avril 2009

Panini

Au parc
Ta joie de vivre et ma clairvoyance
Dansent un tango

Des enfants jouent au loin
Et je suis triste
D’avoir passé le cap
Je t’aime à ma façon
Je t’aimerai un jour

Élargis tes horizons
Le toboggan n’en est pas un
Les arbres sont des orages figés
Les enfants, des êtres fourbes

Car
Ton haleine est l’odeur de ton âme
Et j’ai déjà senti une chose semblable auparavant
Les Hommes se ressemblent après tout
Un sexe
Une bouche
Des yeux
La mort

Avale ton panini et embrasse-moi
Après, au creux de l’oreille
Je te raconterai que ma vie est un roulement de drums- Fronceras-tu les sourcils?
Que nous sommes des êtres éphémères
Que l’amour est immortel
Que tout cela est incompatible
Justement
Te parlerai de ces journées de lumière où fleurissait mon insouciance
De ces nuits où je saignais sur l’oreiller
A me blesser par
Les cauchemars
Les souvenirs
L’angoisse
Dévalant les jours pour finir au présent

Avale, embrasse
Fais-moi rire

"Nouvelles romaines" de Alberto Moravia (1954)



Dans Nouvelles romaines, Moravia se mue en conteur, dans le cadre d'une tradition typiquement italienne, et en conteur uniquement livré au plaisir de raconter. Pacifié, il retrouve une connivence foncière avec le petit peuple de Rome, sa patrie profonde et pittoresque, et le lieu d'un certain bonheur d'être, dans une dolce vita qui n'a rien de fellinien. ( Nino Franck )

jeudi 16 avril 2009

"The Wrestler" de Darren Aronofsky (2009)




A la fin des années 80, Randy Robinson, dit The Ram ("Le Bélier"), était une star du catch. Vingt ans plus tard, il ne se produit plus que dans des salles de gym de lycées ou des maisons de quartier... Brouillé avec sa fille, il est incapable d'entretenir une relation durable avec quiconque : il ne vit que pour le plaisir du spectacle et l'adoration de ses fans. Mais lorsqu'il est foudroyé par une crise cardiaque au beau milieu d'un match, son médecin lui ordonne d'abandonner le catch : un autre combat pourrait lui être fatal. Contraint de se ranger, il tente de renouer avec sa fille et, dans le même temps, entame une liaison avec une strip-teaseuse vieillissante. Pourtant, son goût du spectacle et sa passion pour le catch risquent bien de reprendre le dessus et de le propulser de nouveau sur le ring... (Allociné)

Pensées

Une flopée de nouvelles de décès ces derniers jours : la Mort m'assiège. Je me sens vivant, comme jamais. A nous, ma salope.

Yasmine

Je l’aime déjà. Yasmine. Elle est malade. Scélrose en plaque. « Je préfère mourir que de perdre une main ou un œil » qu’elle m’a dit. Syrienne. Je vais la voir jeudi. Elle habite à Damas. Elle croit que je suis un grand comique. J’espère la faire rire. J’ai envie de la prendre dans mes bras. On va prendre un verre. Je l’ai connue sur msn. Par le biais d’Oussama. Mon dieu qu’elle est belle. Toutefois. J’ai fait une recherche sur internet. Sclérose en plaque+mort. J’aimerais me marier avec elle. Elle est si douce. Yasmine, avec toi j’irai au bout des mondes. Jacqueline du pré. Elgar Cello.
Je suis en bonne santé. Moi. Quel talent ! En ce moment elle travaille sur l’illustration d’un bouquin pour enfants. Elle se fatigue vite. Je pense que sa maladie me procure un certain plaisir. Je t’aime. J’ai pitié. Aime-moi. Je serai l’élu. Je crois que je vais l’inviter à venir vivre avec moi. Je ne suis qu’un résultat d’une collision génétique, après tout. J’ai envie de lui parler. De la rassurer. De lui dire que je suis là. Une poignée de kilomètres. Que je lui ferai plein d’enfants, tous les enfants qu’elle souhaite. Avant de. Si une fois elle doit. « Toi aussi tu es WAW comme Jacqueline Du Pré sauf que moi j’ai décidé que rien ne t’arrivera. » Je vais faire moine. Je ne suis pas fait pour me marier. Je suis un être inaccompli. Un enfant. Je fais partie de ces gens qui osent croire détenir une quelconque forme de talent. Hier, Yasmine, je t’ai déssinée.
«Yasmine dansant en attendant l’Amour». L’Amour, la mort, peu importe. Je t’aime. J’aimerais tant t’aimer. Je t’aime. Depuis toujours, je cherche une femme avec un hic. Te voilà. Le hic des hics. Je suis un menteur. Je ferais mieux de faire du commerce comme tout Libanais qui se respecte. Acheter une BMW, vendre une Mercedes, importer une Golf. La violencelle. Je suis prêt à t’aimer, toi la malade. Peut-être saurais-je qui je suis, enfin. Jadis, j’heurtais la mort en allant de ma chambre jusqu’à la cuisine. Maintenant, je n’ai plus peur de mourir. La force de continuer. Maintenant, je peux fumer en toute tranquilité. Sans penser au cancer. Je vais faire athlète. Altérophile. Et je soulèverai ton cadavre au-delà du temps. Je veux des enfants. Je suis fou. Ne sois pas triste. Folle aussi. Les gens beaux ne meurent pas. C’est écrit dans la bible. Et on achètera un château. Un verre d’eau. Une table. Une cigarette. Une caméra. Des yeux. Une phrase. Des poils. Un monastère. Une marche d’une heure chaque jour. Yasmine, l’amour naît d’un malentendu.

Aphorismes

Si souvent les humains se donnent volontiers à la routine c'est qu'ils éspèrent en obtenir l'aplatissement de leur vie, faire de cette dernière une ligne droite, logique et sécurisante. Ce qui est loin d'être vrai, bien entendu, puisque la Mort, quand elle est fougueuse, fauche à des moments complètement inattendus. Elle déjoue la routine qu'elle méprise.

Les filles qui portent des sandales meurent prématurément

J’ai été mordu…

Train 2934, entre deux villes, voici l’histoire de ma vie.

Je quittai mon Liban natal pour changer d’air. Pas exactement : c’est Flaubert de sa tombe qui, par les cheveux, m’a traîné jusqu’ici, rue de la demi-lune.

Les briques de cette maison nordique sont entassées comme mes jours. Je suis fatigué de toujours faire semblant d’être moi.

La campagne est belle. Il y règne une atmosphère de paix. C’est sûrement là où mon âme aimerait se reposer- on s’est concertés hier et on trouve que c’est un lieu spacieux et sujet aux courants d’air.

Toute à l'heure, j’ai appris que j’avais 27 ans. Une claque.


« 3 juin 2007 » a dit le contrôleur. « Périmé, votre titre de transport est périmé, monsieur »

Entre les rails du train tout le monde sait qu'il existe de camps de concentration jamais explorés.

Cet après-midi, j’avais compris que je ne pourrais jamais vivre avec une femme qui, d’une façon ou d’une autre, venait à me montrer ses orteils. Les orteils c’est la mort. Le képi du contrôleur abrite la vacuité.

Hier, j’ai appelé mon ex. Je lui ai dit que je pensais à elle. Toujours. Elle m’a répondu : « Moi, jamais. » J’ai pleuré de tout mon cœur, pleuré comme ce n’est pas permis. Une mer, un océan de larmes. J’étais sur le point de l’atteindre quand elle s’est noyée.

J’essaie de dormir. Impossible : j’ai trop bu de coca. Mon âme est tendue comme un trampoline.La voix-off du contrôleur n’a pas lieu d’être. Le contrôleur, en tant que tel, non plus.

Mon amie chinoise, inlassablement, me répète que je serai un grand écrivain. Moi, toujours je lui réponds :
- Mais non, à 27 ans on ne peut plus grandir. Pour les filles, cela s’arrête à 16 et chez les garçons, à 21, au plus tard.
- Hahahaha, qu’elle réplique.

Chaque jour, même itinéraire : Effet-mer – Outrereve- Msn- Effet-mer- Msn. Je pense que juste la mort pourrait mettre terme à une aliénation pareille.

Entre toi et moi, il y a moi.

J’ai dit à mon père que je souhaitais qu’il crève. Il a pleuré un bon coup avant de m'avouer que j’avais complètement raison. Par la même occasion j’ai appris que ma mère s’appelait Yolande. Toute la soirée je l’ai passée à prononcer son prénom en boucle. Résultat : je n’aime pas son prénom.

La lune est ronde dans la fenêtre.

Cette nuit j’ai rêvé ceci : je suis dans la rue, une inconnue vient à ma rencontre. Elle me tend un verre vide et me demande si je pourrais le lui remplir car elle meurt de soif. Je lui dis « pas de problème, je vous apporte ça ». Je monte à la maison. Trois jours après, découvrant le verre sur une table basse, je me rappelle que la bonne femme m’attend toujours en bas de chez moi.

Verser des larmes c’est comme verser de l’argent sauf que c’est moins cher.

Trois quart d’heure, c’est le temps que j’ai mis pour trouver une position décente pour m’endormir. J’ai opté pour celle de l’embryon. La buée sur les vitres est amniotique.

J’ai beaucoup d’humour, je trouve. C’est sûrement parce que, quelque part, je souffre. Je souffre beaucoup, je trouve. C’est sûrement parce que, quelque part, je ne ris que très rarement.

Sylvie m’a dit que je serai un grand poète et qu’un jour, il y aurait une rue à mon nom. Je lui ai dit :
- Mais non
- Si, si.
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non.
- De quoi on parlait déjà ?
- Expldr.

Les arbres défilent comme des mannequins, à ce détail près qu’on ne les reverra jamais, les arbres.
- Tu connais l’arbre le plus célèbre ?
- Non, c’est quoi ?
- Naomi Campbell.

Juste au dessous de moi il y a un bruit, un sifflement. Les bombes sifflent-elles avant d’exploser ? Trop tard.

On est rentrés dans ce resto chinois. « La Grande Muraille » qu’il s’appelle. Très original. Il n’y avait personne. Jusqu’à ce qu’une femme au yeux bridés- la serveuse ?- fasse son apparition. « Bonjour » qu’on lui a dit. Elle n’a pas répondu. « On peut manger », on a demandé. « Pardon ??!! » elle s’est exclamée. « ON PEUT MANGER ? » « Bah installez-vous » qu’elle nous a fait. Quand elle est revenue pour nous remettre les cartes, on n’était plus là.

Mon reflet dans la fenêtre m’a crié que je serai plein d’asticots un de ces quatre. Alors j’ai fermé les yeux et me suis imaginé, sans grand effort, la sensation que l’on pourrait avoir quand on se brise le cou. Je crois que je l’ai juste. A voir.

Ces deux derniers jours, j’ai dessiné des femmes nues, des maisons en 3D et beaucoup, beaucoup de taureaux.

Je louche légèrement : dans un visage aux traits réguliers, cette douce anomalie trahit ma folie.

J’ai caché mon bassin par une chemise noire, sorti mon sexe et pensé à Johanna qui voulait toujours baiser quand on était encore ensemble. « Je suis à toi, toute entière. » qu’elle me disait. Je suis venu en moins d’une minute. Je pense que je préfère notre vie sexuelle d’aujourd’hui.

Johanna,
Parfois, les trains tanguent comme les bateaux.
Parfois, il est préférable de fermer les yeux pour voir plus clair.
Parfois, l’amour a une odeur douteuse.
Parfois, 3*5 font 15.
Parfois, j’ai envie de voler
Parfois, j’ai 27 ans
Parfois, je pense à toi souvent.
Parfois, la mort surgit quand on l’attend le moins.
Parfois, quand je suis dans une gare j’attends le moment où mes yeux rencontreraient les tiens. Parfois, je pense que mon dernier souffle serait un rire de cochon.
Parfois, il y a une chose qui se brise en moi et c’est irrécupérable.
Parfois, je me rappelle qu’à un moment donné de mon existence, j’adorais les chats. Même si je les balançais du cinquième étage, ça n’empêchait pas. C’était aussi l’époque où, petits encore, je m’amusais à renverser la glace de mon frère cadet. Jamais je n’oublierai ce filet de bave qui se suspendait à sa bouche quand il chialait.

Chaque nuit, j’embrasse mes quatre doigts en guise d’affection pour ma famille, qui est loin : Joe, Fabien, Maman et Papa. Chaque nuit, je me dis comment cela serait-il si je me casse le cou.

Cette nuit, je rentrerai à pieds, pour changer.

Aphorismes

Le dico en guise d'oreiller, le livre, de couverture, que le beau vice du littéraire.

Ida

La salope
Juste après une pipe d’enfer elle m’a craché un bébé bleu sur la carpette Ikea
« T’es mimi, tu sais » m’a-t-elle fait en dandinant vers la salle de bains
Ida.

« Dis, Bébé Bleu : comment devient-on père sans avoir tué le sien ? »
Bé’ Bleu se faufila sous le lit et disparut

- Des omelettes, chéri ?
- Un café, fort, très fort
- D’acc’ Et elle m’a embrassé sur le bout du nez
Et une larme a coulé sur ma joue
Ida dit que je suis beau quand je pleure, « tu es beau quand tu pleures »,
Qu’elle aime mes oreilles, « j’aime tes oreilles », et ma façon de tourner la tête de ¾ gauche quand je regarde par la fenêtre
« Tu es merveilleuse Ida, merveilleuse »
Ida a une manière bien à elle de tourner la tête de ¾ droite quand je l’aime par derrière

« Mets tes bas Ida"
Ida a mis son haut
« Attache tes cheveux Ida »
Ida a mis un jeans

« J't’aime, Ida, mais je suis fragile
Fragile comme un bas Ida
La peur Ida
Le temps Ida
La même porte Ida
Les mêmes omelettes Ida
Le même moi Ida"

Ida a versé le café
sans ciller, comme un dieu