mardi 13 janvier 2009

Tokyo's breakdown

« De l’autre côté de l’escalator, elle m’a tendu une fleur en pixel. Dès lors, j’avais compris que le thorax était la plus parfaite des prisons... »
Effectivement, on était trois à flairer ses pas en sépia. 853, suite Logique. Une table basse au centre. Noire. Une pomme fendue en deux. Silence.
Jamais n’avait-on vu fruit saigner de la sorte. Jamais douleur ne fut aussi blafarde qu’à ce matin d’avril noirci par les larmes et le saké.
Sur les murs du vide, on griffait : geisha, geisha où es-tu passée ? Serais-tu le blanc des cerisiers agonisants ? La brise sifflante sur la prose de Mishima ? Ces immeubles-revenants insurgés contre le bleu des cieux ?
Mais enfantée par l’impossible, te voilà ! Ombre de l’ombre. Aérienne. Majestueuse.
« Je n’apprendrai ni le français ni l’anglais » désespérément avais-tu répété, « ni le français, ni l’anglais. »
Terminus. Flaque.

dimanche 11 janvier 2009

Beyrouth

Nous courions dans tes rues feutrées
Tels des chiens vagabonds
Envoyions nos mômes en S.M.S
Invoquant un Allah qui faisait zoreille cochon
Te rappelles-tu?

Te rappelles-tu
De ces jeux de cartes
De ces nuits blanches dans le sous-sol des immeubles
De ces femmes qui buvaient le café
En entrevoyant la paix au fond des tasses?

Te rappelles-tu de Leila
La belle voisine du quatrième
De qui j’effleurais le sexe
Quand la mort frappait de plein fouet?
Te rappelles-tu de ces flash info plus assassins que les balles
De ce soldat à bout de nerfs lynchant mère et soeur avant de s’éclater la cervelle?

Te rappelles-tu de nos sourires souterrains et de notre innocence aérienne
De nos rêves d’enfant morts avant même de voir le jour?

Te rappelles-tu de cette nuit où nous tremblions comme une feuille d’automne
Quand la bombe s’était faite trop familière
De ce chat Nabih jamais revenu?

Te rappelles-tu
Quand le salaire de nos pères ne tombait plus
Quand les jours s’entassaient dans leurs poumons
Et le cancer promettait?…
Ils avalaient l’angoisse
Alors que nous, nous mangions la sardine
Et buvions les sanglots de nos mères
Te rappelles-tu?

Te rappelles-tu
Quand le glas sonnait comme bat un cœur
Quand nous nous démerdions à faire l’amour sur des tombes encore chaudes?

Te rappelles-tu
De ces montagnes en feu
De ce ciel saturé
De cette terre flasque
Et de la mer agressive?

Beyrouth
Tu n’es qu'une soirée people
Sur le toit d’un building poussiéreux
Une capitale située quelque part
Entre le Ridicule et le Rien

jeudi 8 janvier 2009

Toilettes condamnées

« Sous la peau de ses jambes en soie
Du sang coule depuis une bonne quarantaine d’années
Mais qu’importe?
Le résultat est bandant »

Café Kléber 12-14
Deux vendeuses nous racontent que
Berlin est une ville extraordinaire
- Berlin, c’est chouette
- C’est chouette, Berlin

Moi : - Un panini saumon, s’il te plaît
Svetla : - D’acc, tu veux boire quelque chose?
Moi : - Un verre d’eau et ça IRA.

Rentre un homme sans tête
En maillot du « FC Allah »Numéro 10
Il me toise
S’installe au comptoir
Commande un café
Occidental
Le boit d’une traite

« DIEU EST GRAND! »

Des cris
Des pleurs
Des sirènes

Silence

Les murs sont des cieux aux lambeaux de chair étoilés
Un porte-clefs carillonne
Le paradis enfin

Perso
Je me suis mangé la jambe galbée de la vendeuse numéro 1
Vendeuse numéro 2, elle, est passée au statut de puzzle pour les + de 100 ans

- Tu prends quoi en dessert?
- Un Palestinien renversé au caramel, s’il te plaît

mercredi 7 janvier 2009

Pas cher.

L'autre jour, on se demandait, mon ami Oussama et moi, s'il existait dans la langue française un mot, un seul, pour dire qu'un article n'est pas cher. En France, on entend dire "c'est pas cher" ou bien "c'est bon marché" mais jamais un mot et un seul.
"En anglais c'est "cheap", en arabe c'est "rkhis" mais en français ça donne quoi?", s'est-on demandé. On ne trouva guère la réponse et conclut qu'il n'y en avait pas, tout simplement. Puis aussitôt s'est posé le pourquoi de la chose? Pourquoi les Français recourent-ils à une locution- "pas cher"- pour dire qu'un article n'est pas cher?!
Après une longue et mûre réflexion je suis arrivé à la conclusion suivante : les Français sont tellement économes ( pas tous, j'en conviens ) qu'ils jaugent la valeur lucrative des choses d'une façon assez "dualiste", uniquement axée sur la notion du "cher"- c'est ou bien cher ou pas cher-comme si, incéssamment, on tentait de les faire payer plus; ou pire encore, de les arnaquer.
"Le "pas cher"est donc l'expression d'une sorte de paranoïa économique", résumai-je à mon ami qui faisait clinquer de la monnaie dans sa poche. Il commençait à avoir faim, moi aussi d'ailleurs. C'est alors qu'on est parti manger un "falafel" bon et... pas cher, du tout.

Le rhume

Aujourd'hui, j'ai rencontré la femme parfaite. Plus belle que la beauté, plus féminine que la féminité, plus sensuelle que la sensualité : une déesse! Certes, comme tout mâle moyen, faible et petit- imparfait dans un sens, j'ai cherché la chose, la faille, l'imperfection qui me laisserait peut-être espérer une chance avec cette superbe créature. N'ayant point trouvé de faille, je me suis mis à l'écart comme un chien battu.

C'est alors l'habitude et seulement l'habitude qui m'avait réconcilié avec elle au bout de cette étrange journée. Je mets l'accent sur "au bout" car, au moment où je lui serrais la main pour lui dire au revoir, c'est au bout d'un long souffle de fatigue qu'elle prit profond que j'ai entendu ses poumons siffler, probablement à cause d'un vilain rhume. Dès lors, un sourire triomphant se dessina sur mes lèvres : j'avais enfin trouvé la faille.
La superbe créature n'était qu'une mortelle, elle pouvait avoir le rhume. A cette constatation tardive, néanmoins, mon amertume n'en fut que plus vaste.

mardi 6 janvier 2009

Homo Rudolfensis

A présent
l'ultime issue
qui s'offre encore à moi
Pour t'oublier mon amour
C'est de m'appliquer
sévèrement
à t'imaginer
à te replacer
à des milliers
et des milliers
d'années de là
dans l'Histoire
dans la Préhistoire
Souillée par la boue
velue et infecte
Traînée sans merci
par un mâle en rut
dans une grotte brumeuse
Braillant de douleur
d'horreur
et d'angoisse

Anti-belle
Anti-actuelle

Kanoun

Encore seul
Seul dans ce café
A recommencer la clope
Dehors les touristes
Dehors le froid
Dehors Noël
Encore une fois

Mon cœur est propre
Je suis prêt à aimer
Prêt à mourir
Près du chauffage

Zilfu est content
Les affaires prospèrent
Svetla a des examens
Moi, je fais semblant
Que suis-je devenu ?
Que deviendrai-je ?
La mort, un jour

Au coin opposé
Un jeune homme sensible et littéraire
Lui aussi a oublié le goût d’une langue
La fraîcheur d’une joue
La tête légèrement penchée vers la gauche
Il lit

La cathédrale aimerait s’asseoir
Quatre siècles qu’elle est debout
Des varices aux jambes
Exactement comme Hanifa
La boniche du Grand Hôtel
Hanifa a cinq enfants
Le dernier a sombré
Il vend du shit
Je le vois dehors
Dehors où le froid
Dehors où les touristes
Dehors où Noël
Encore une fois

Peine d'amour au Café Kléber

Au Café Kléber
Il y a Svetla la serveuse
Et Zilfu le propriétaire
Zilfu est kurde
Svetla a des gros seins

Au Café Kléber
Je commande un café
avec un verre d'eau
Puis un deuxième café
avec un autre verre d'eau

Au Café Kléber
Il y a ma bouche qui fume
Mes pieds sous la table
et mes mains sur la table

Au Café Kléber
Il y a moi
et il y a toi
dans ma tête
Ma tête dans mes mains
Mes mains dans la fumée
La fumée dans les poumons
Et les poumons dans le corps
Et ton corps dans ma tête

Au Café Kléber
Il y a du café à 1,50
et deux cafés à 3 euros
3 euros
dans mes poches

Au Café Kléber
Il y a le matin
Il y a Zilfu
Il y a Svetla
Il y a moi
Il y a toi
et 3 euros dans mes poches